Adresse
Ile-de-France et Nantes

Parcoursup 2021 : « On dédramatise ! Les vœux de formation n’engagent pas pour toute la vie » 

A partir du 20 janvier, lycéens de terminale et étudiants en réorientation peuvent entrer sur Parcoursup leurs vœux de formation dans le supérieur. Myriam Pinard, psychologue au Centre d’orientation et d’examens psychologiques (COREP) donne quelques conseils.

Recueilli par Séverin Graveleau, publié le 20 janvier 2021 à 7h00 

Depuis fin décembre 2020, lycéens de terminale et étudiants en réorientation ont pu découvrir sur la plate-forme Parcoursup les quelque 17 000 formations proposées cette année. A partir du 20 janvier, ils peuvent s’inscrire et formuler jusqu’à dix vœux. Comment gérer son stress ? Est-ce normal de ne pas savoir ce qu’on veut faire à 17 ans ou à 18 ans ? Quelles questions se poser ? Eléments de réponse avec Myriam Pinard, psychologue au Centre d’orientation et d’examens psychologiques (COREP) à Paris, qui accompagne chaque année plus de 2 000 familles.

Au moment des choix d’orientation, pourquoi certains élèves sont en difficulté et d’autres non ?

Cela ne dépend pas forcément du niveau scolaire. Le fait que l’élève s’inquiète de ses capacités peut jouer, mais nous recevons aussi en entretien énormément de très bons élèves qui sont perdus quand on leur parle d’orientation. Ils n’ont jamais vraiment eu à se poser des questions durant leur parcours dans le secondaire et ont en général suivi des filières assez généralistes. Bref : pour eux tout est possible, et c’est ce qui leur pose problème.

« Nous conseillons aux élèves de se demander quelles sont les matières ou les approches disciplinaires avec lesquelles ils ont le plus d’affinités »

Il y a aussi beaucoup d’élèves qui ont des envies, mais sur lesquels pèsent des pressions, parfois inconscientes, pour aller ou ne pas aller vers telle ou telle filière. Elles peuvent venir soit du système scolaire, soit des parents, pour des raisons sociales ou culturelles dont nous cherchons à faire prendre conscience l’élève pour qu’il puisse les dépasser. Mais l’orientation oblige tous les élèves, pour la première fois parfois, à se poser la question presque philosophique de savoir qui ils sont vraiment, quelle est leur personnalité, pour la mettre en adéquation avec un projet d’étude : il est normal que cela soit anxiogène.

Comment s’y prend on alors lorsqu’un jeune est « bloqué » et ne sait pas du tout ce qu’il a envie de faire plus tard ?

D’abord, on dédramatise ! Le choix ou les vœux de formation qu’on fait sur Parcoursup en terminale ne nous engagent pas pour toute la vie. Il existe de nombreuses manières de bifurquer dans le supérieur si on s’aperçoit qu’on s’est « trompé ». Des néoétudiants viennent parfois nous voir quelques mois seulement après le début de l’année universitaire pour changer de voie, beaucoup plus matures dans leur projet grâce à cette expérience.

Plutôt que de se questionner sur leurs aspirations envers un métier, nous conseillons aux élèves de se demander quelles sont les matières ou les approches disciplinaires avec lesquelles ils ont le plus d’affinités, s’ils aiment rédiger, réfléchir à la société, si la démarche scientifique leur plaît, etc. Cela leur permet d’affiner les filières du supérieur qui peuvent les intéresser. Le métier viendra après.

Réfléchir aux activités de l’élève en dehors de l’école (sport, associatif, artistique…), ou bien en partant des rêves professionnels qu’il pouvait avoir plus jeune (pharmacien, boulanger, maîtresse…) permet d’en savoir plus sur sa personnalité, de chercher un fil conducteur pouvant aider à s’orienter. Reste enfin l’année de césure, que l’on peut directement demander sur Parcoursup, afin de se laisser le temps de la réflexion, en faisant un stage, un service civique, une année à l’étranger, etc.

Il y a les envies d’un côté et les bulletins scolaires de l’autre.

Comment être sûr qu’on a, ou qu’on aura, « le niveau » pour suivre telles ou telles études ?

Les bulletins scolaires du lycée, s’ils peuvent servir à départager les candidats sur Parcoursup, ne reflètent pas nécessairement les capacités et les performances futures du jeune dans le supérieur. Les élèves moyens, qui ne travaillent pas au maximum de leurs capacités au lycée, se révèlent bien souvent dans le supérieur si le projet leur tient à cœur. D’autant plus lorsque certaines matières n’existent tout simplement pas dans le secondaire (psychologie, droit, etc.).

Aux élèves qui sont un peu perdus, le COREP fait parfois passer des tests de raisonnement, de langage, de compréhension de texte ou de raisonnement numérique, d’abstraction, d’autonomie… pour embrasser toute la diversité de leurs compétences afin de les croiser ensuite avec les résultats scolaires, la personnalité, le besoin d’être encadré ou non.

Comment accompagner son enfant en cette période qui peut être anxiogène ?

Il faut ouvrir régulièrement des fenêtres de dialogue sur son orientation, mais en douceur, sans le harceler avec des questions qui inquiètent les parents ou lui transmettre son propre stress (sur son niveau, par exemple, ou un projet d’étude avec lequel l’adulte n’est pas en phase). Car même s’il ne le montre pas, il y a de fortes chances qu’il soit lui aussi très anxieux vis-à-vis de son orientation.

« Un jeune qui s’oriente a besoin d’être écouté et de multiplier les interlocuteurs à même de répondre à ses questions existentielles ou pratiques »

A défaut de pouvoir l’accompagner à des journées portes ouvertes ou à des salons d’orientation, il peut être intéressant de proposer à son enfant de passer du temps avec lui sur les sites des formations, afin de voir les questions qui émergent. De lui proposer aussi de discuter avec une connaissance exerçant un métier qui peut l’intéresser. Un jeune qui s’oriente a besoin d’être écouté et de multiplier les interlocuteurs à même de répondre à ses questions existentielles ou pratiques : enseignants, parents, conseillers d’orientation ou psychologues, professionnels de différents secteurs, etc.

Pour cette première phase de Parcoursup, quels conseils donneriez-vous aux élèves ?

Parcoursup ne hiérarchise pas les vœux, comme le faisait APB. Ce qui signifie que les candidats vont recevoir une réponse pour chacun de leurs vœux. Il est donc judicieux de ne se fermer aucune porte et de multiplier les vœux à la fois dans les formations sélectives (pour ceux que ça intéresse) et non sélectives, en rapport avec ses envies, bien entendu.

Pour ne pas être pris au dépourvu, il peut être utile de vérifier l’adéquation entre les spécialités qu’on a suivies et la formation demandée. Le site du ministère permet d’avoir une idée des formations accessibles avec telles ou telles spécialités au bac. En revanche, nous ne savons pas encore dans quelle mesure les formations du supérieur – sélectives notamment – vont jouer le jeu de l’ouverture à de nouveaux profils d’élèves issus de la réforme du lycée.

Séverin Graveleau

https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/01/20/parcoursup-2021-on-dedramatise-les-v-ux-de-formation-n-engagent-pas-pour-toute-la-vie_6066890_4401467.html